Quand la France s'auto détruit par sa politique du chantage en Côte d'Ivoire de Pierre Lionel Joël Espaces d'informations politiques,culturelles et pédagogiques – 14.02.2011 – L'actualité du moment est très riche pour le continent africain. En effet le Maghreb est en ébullition et semble montrer au reste de l'Afrique la voie à emprunter pour mettre fin au règne de chefs d'états qui pendant des décennies ont fait ce qu'ils pouvaient pour servir les intérêts de leur pays. Les évènements survenus en Egypte et en Tunisie ces deux dernières semaines prouvent bien que quelle que soit l'intensité de la force d'un régime, lorsqu'un peuple est décidé à se faire entendre il arrive à le faire. De la révolution française d'hier aux révolutions du Maghreb d'aujourd'hui nous avons assisté à la révolte de pauvres gens rejoints par des classes moyennes, qui armés de leur désespérance ont fait tomber l'aristocratie d'hier, et les autocraties plus ou moins dictatoriales d'aujourd'hui. Mon désir de mêler la révolution française aux révolutions qui se jouent en Afrique actuellement s'explique par le fait que cette France qui a connu 1789 se trouve dans un processus en Côte d'Ivoire qui fait tâche dans cette Afrique qui aspire au changement. Comment ne pas parler de la Côte d'Ivoire au moment où l'Afrique du nord montre le chemin qui mène à une meilleure démocratie c'est à dire une démocratie qui prend un peu plus en compte la volonté du peuple ? Pour faire court, je dirais que la Côte d'Ivoire est un pays qui se trouve dans les difficultés du moment parce que sa classe politique n'a pas su gérer voire même digérer un contentieux électoral. La Côte d'Ivoire est un pays où on veut nous faire admettre qu'il existe deux présidents. L'un déclaré vainqueur par le conseil constitutionnel du pays et l'autre déclaré vainqueur par la communauté internationale. Chacun des deux camps s'appuyant sur les suffrages exprimés dans les urnes par le peuple de Côte d'Ivoire. Dans cet imbroglio politico juridique, les médias de la communauté internationale et les médias nationaux entrent en compétition non pas pour informer mais pour communiquer sur ce qui leur semble être la vérité. Le temps de l'information qui consistait à donner accès à tous les sons de cloche pour laisser le lecteur, l'auditeur ou le spectateur se faire sa propre opinion est révolu. A l'heure de la communication, les médias sont tous au service d'une cause. Fort heureusement les outils de communication actuels permettent aux individus de s'informer et de choisir en toute liberté ce qui pour eux semble être la vérité. Ces outils de communications ont semble t-il joué un rôle majeur dans les révolutions maghrébines et on ne peut qu'espérer qu'ils jouent un rôle identique en Afrique de l'Ouest. En tant qu'intellectuels ou cadres africains nous nous devons de nous servir de ces outils pour échapper au prêt à penser et pour nous faire notre propre opinion. Ceci étant dit, essayons de voir d'un peu plus prêt à quoi se résume la situation en Côte d'Ivoire. Nous avons un président qui a l'aval d'une institution nationale et un autre qui a l'aval d'une entité appelée communauté internationale. Pour faire valoir son point de vue la communauté internationale utilise tous les leviers en sa possession notamment les sanctions, le gel des avoirs, la menace de frappes militaires et enfin l'asphyxie économique. Autrement dit, ce que la communauté internationale cherche à nous faire comprendre c'est que lorsqu'on n'est pas d'accord avec elle, on s'expose à tout cet arsenal de punitions. Pour employer une expression toute faite je dirais que c'est l'utilisation de l'argument de la force plutôt que l'utilisation de la force des arguments. En Egypte et en Tunisie la force des arguments a bien convaincu le peuple de s'élever contre l'argument de la force et on ne peut pas dire que la police d'état était plus tendre dans ces pays qu'elle ne le sont les forces de le l'ordre en Côte d'Ivoire. Si la position de la communauté internationale était si légitime que ça pourquoi n'a-t-elle pas convaincu le peuple ivoirien ? Qu'on ne me parle pas de musellement des médias puisque là encore les deux pays du Maghreb qui nous servent de référence n'étaient pas réputés pour avoir les médias les plus libres du monde. Tout ceci nous permet de conclure qu'il y a quand même une certaine distance entre ce que la communauté internationale défend au nom du peuple ivoirien et ce que ce peuple est prêt à défendre lui-même. La question qu'il convient de se poser à ce stade de la réflexion c'est de savoir qui donne le droit à une communauté internationale, aussi bien intentionnée soit elle, de vouloir imposer sa vérité à un peuple qui normalement est dit souverain ? Qui donne le droit à cette communauté internationale de pousser une population à s'insurger contre une décision de ses institutions? Qui donne le droit à une communauté internationale d'affamer un peuple, de réduire son tissu économique à néant pour l'amener à se révolter et à s'entre déchirer ? Le rôle de la communauté internationale ne devrait-il pas être d'aider un pays à se doter d'institutions crédibles plutôt que de pousser à l'anarchie ? Admettons que le conseil constitutionnel de Côte d'Ivoire ne soit pas crédible. Mais lorsque l'Union Européenne prend des sanctions contre des citoyens sans avoir dit le droit peut-on accorder une once de crédit à ses institutions ? Le plus cocasse dans cette histoire c'est que sur la liste des bannis de l'Europe se trouve des français à qui l'on interdit de rentrer dans leur propre pays. Est-ce ça le droit ? Ces personnes ont-elles été sanctionnées après avoir plaidé leur cause ? Une des grandes armes de cette fameuse communauté internationale c'est de menacer de soumettre des citoyens aux foudres du Tribunal pénal international. Mais dites moi qui doit on menacer de la sorte lorsque l'on est un citoyen ivoirien qui vient de perdre sa femme pour hémorragie en suite de couche, tout simplement parce qu'un samedi soir, on n'a pas pu obtenir de l'argent d'un distributeur à cause de l'embargo économique imposé à tout un peuple ? La situation en Côte d'Ivoire est affligeante car elle nous oblige à perdre la foi dans ce que nous croyions être des institutions internationales garantes d'un ordre mondial le plus juste possible. Qu'on m'aide à comprendre comment on peut accepter les lettres d'accréditation d'un ambassadeur qui n'a pas la caution des institutions de son pays? Comment peut-on mettre à sa disposition des forces de l'ordre pour aller prendre une ambassade alors que celui qui l'a nommé attend encore la réponse au courrier qu'il a eu à adresser au conseil constitutionnel de son pays. Ce candidat que la communauté internationale considère comme vainqueur écrit au conseil constitutionnel du pays qu'il veut diriger et sans que celui-ci ne le reconnaisse comme président, des pays étrangers accréditent des ambassadeurs qu'il nomme. Je souhaite que des juristes m'expliquent comment cela peut se faire car mon bon sens ne me le permet pas. On pourrait rire de cette situation si ce n'est que son incongruité risque de conduire à une guerre fratricide dont la communauté internationale aura vite fait de se laver les mains en invoquant la sauvagerie des parties en présence. Mais si je refuse de jouer le sauvage, je suis dans l'obligation de me ranger derrière l'ordre constitutionnel qui fait de mon pays une nation. Il est temps que les diplomates refassent de la diplomatie avec tout ce que cela comporte de droit de réserve et de non immixtion. Il est temps qu'on libère les chefs d'entreprises du dilemme aussi insoutenable qu'incongru qui consiste à leur demander de bafouer les règles du pays dans lequel ils exercent leur activité au nom d'une vérité qui a du mal à s'imposer naturellement. Une communauté internationale qui exerce un tel chantage et qui cautionne des attitudes contraires à la loi perd toute sa crédibilité et ne mérite pas d'être suivie. En conclusion, il ne s'agit plus d'aimer ou de ne pas aimer le président investi par le conseil constitutionnel de la Côte d'Ivoire, il s'agit de refuser des méthodes d'une communauté internationale qui en Côte d'Ivoire devrait abandonner la politique du chantage ou pour parler plus diplomatiquement la politique de la pression. C'est d'autant plus nécessaire au moment où des peuples du Maghreb révèlent au grand jour que cette communauté internationale a soutenu pendant des décennies, en fermant les yeux sur les droits de l'homme, des dirigeants qui les affamaient. Il s'agit de souhaiter que la communauté internationale voie plus l'injustice qu'il y a à affamer un peuple qu'à recompter les voix exprimées dans un scrutin. Il s'agit enfin de garder l'espoir que c'est de notre Afrique, celle qui a su digérer dans la dignité le côté abject de l'esclavage transcontinental et de l'apartheid, que viendra un nouvel ordre mondial avec plus de justice afin que soit réduit à néant, la tentation hégémonique des puissants qui à l'intérieur des états ou à l'échelle du monde essaient d'imposer leurs intérêts au mépris de celui des peuples souverains. DETI Ernest Lemanois +225 08.01.07.65 +225 01.75.06.06 ABIDJAN - COTE D'IVOIRE ------------ --------- --------- --------- --------- --------- - "Il n'est pas de montagne infranchissable, Il n'est pas d'horizon inaccessible, Il n'est pas d'étoile insaisissable" . ------------ --------- --------- --------- --------- --------- - |