Nous venons par ce présent mémoire vous saisir pour apporter des éclaircissements sur les allégations portées par notre employeur contre nous. Nous sommes un collectif de quarante-cinq (45) enseignants au Collège Anador Abobo. Notre employeur nous licencie parce qu'en réalité nous lui avons demandé l'assainissement de notre cadre de travail, le respect du nombre d'évaluations fixées par le ministère de l'éducation nationale et leur délai de correction, le payement de nos heures de surveillance des devoirs de niveau et des examens blancs, une augmentation de salaire, la régularisation du statut des enseignants qu'il appelle abusivement « vacataires » 1. La question de l'hygiène et de la sécurité au travail. Nous vous rappelons que le Collège Anador Abobo n'a plus d'eau courante. Notre employeur alimente l'établissement en eau à l'aide des fûts de soixante litres (60 l) transvasés dans deux (2) récipients installées devant les toilettes. Cette quantité d'eau ne suffit pas pour le nombre de personnes que compte l'établissement à savoir mille cinq cent quatre-vingt-treize élèves (1593) plus les enseignants et le personnel administratif. À partir de dix heures (10 H) ou onze heures (11 h) il n'y a plus d'eau dans l'établissement, ce qui rend les toilettes inutilisables et nous expose à toute sorte d'infection microbienne. À cela s'ajoute l'état des bâtiments A et B fortement dégradés, fissurés et lézardés, laissant couler l'eau dans les salles de classe pendant les saisons pluvieuses, et ceci constitue une source d'insécurité pour les enseignants et les élèves. Nous vous informons au passage qu'un pan du bâtiment A s'est écroulé le 29 septembre 2005 à 16 heures sur deux (02) personnes dont un Professeur de Français, M. KOUASSI Lucien décédé des suites de cet effondrement et M. KOUASSI Kra Michel informaticien au collège Anador qui a survécu. En plus, les salles de classe sont mal éclairées, ce qui agit sur l'acuité visuelle des élèves et des enseignants. 2. Des évaluations En plus du nombre des devoirs et des interrogations prévus par le Ministère de l'éducation nationale et leur délai de correction qui est de deux (02) semaines pour les devoirs et une (01) semaine pour les interrogations, le collège Anador nous impose dix (10) jours pour la correction des devoirs et, des évaluations quotidiennes qu'il appelle « contrôles continus » et des interrogations supplémentaires, ce qui constitue un surcroit de travail difficile à supporter quand on sait l'effectif pléthorique des classes (56-60 élèves). Nous ne comprenons pas qu'en plus des évaluations classiques des élèves, on puisse nous en imposer d'autres avec ces effectifs. 3. De la surveillance des devoirs de niveau et des examens blancs. En ce qui concerne la surveillance des devoirs de niveau et des examens blancs nous avons signé un accord le 14 mars 2000 avec notre employeur, qui stipule la rémunération de ces heures de surveillance. Le taux étant fixé de commun accord. Mais à partir de 2001, il a arrêté de nous payer ces heures de surveillance. 4. L'augmentation des salaires. Compte tenu de la cherté du coût de la vie et constatant de visu la prospérité de l'entreprise qui nous emploie, prospérité qui se manifeste par la construction d'un deuxième Collège Anador à Yopougon, la construction de deux (02) écoles primaires simultanément cette année 2010 à Abobo et Yopougon nous avons demandé une augmentation de salaire de 50% et une indemnité de logement de cinquante mille (50.000 F). 5. Du statut des enseignants dits vacataires. Au collège Anador, beaucoup d'enseignants appelés abusivement des « vacataires » sont irrégulièrement employés : - Ils ne sont pas déclarés à la CNPS. - Ils n'ont pas de bulletin de salaire ; - Ils ne bénéficient pas d'indemnité de transport ; - Ils n'ont pas de prime d'ancienneté ; Et tout ceci parce que selon notre employeur ces professeurs "ne sont pas des travailleurs". Or, ces professeurs en question ont des volumes d'heures hebdomadaires qui vont de treize à dix-sept heures (13h à 17h), assurent des charges de professeurs principaux, de responsable de conseil d'enseignement, animent des activés extrascolaires, participent aux conseils de classe et sont tenus de participer à tous les travaux et réunions de l'établissement, même les samedis, faute de quoi des demandes d'explication leur sont données. Remarquons ces heures travaillées en dehors de leur emploi du temps et à des jours non ouvrables ne leurs sont pas payées. Nous avons estimé que ces enseignants sont des travailleurs à plein temps et nous avons demandé à notre employeur la régularisation de leur situation en les rétablissant dans leurs droits. Au regard de tous les faits exposés nous avons adressé à notre employeur un courrier le 5 mars 2010 (courrier No 004 / SG / SYNEPPS-CI/ CA) dans lequel nous avons demandé une rencontre avec lui pour discuter de ces différentes préoccupations. Ce courrier est resté sans suite. Nous lui avons adressé un deuxième courrier (courrier No 005 / SG / SYNEPPS-CI / CA) en date du 15 mars 2010 pour lui soumettre notre plate-forme revendicative. Au lieu de nous recevoir comme nous le lui demandions, il nous a adressé deux (02) semaines plus tard un courrier dans lequel il a balayé du revers de la main tous les problèmes que nous avons posés au motif que l'Etat de Côte d'Ivoire lui doit de l'argent au titre des frais d'écolage des élèves affectés dans son établissement et qu'il n'a pas d'argent pour augmenter ses charges financières. Vu le mépris ainsi manifesté à notre égard nous avons déposé un préavis de grève le 02 avril 2010 auprès de notre employeur avec ampliations aux autorités compétentes dont l'Inspection du travail, le BEN de notre syndicat, le Cabinet du Ministre de l'Education Nationale, le SAPEP, le Préfet d'Abidjan… Suite à ce préavis, l'inspecteur du travail, M. BLE ARTHUR nous a convoqués à une réunion tripartite portant sur nos revendications au collège Anador Abobo le 9 avril 2010. Il ressort de cette rencontre qu'aucun accord n'a été obtenu. Nous voulons porter à votre attention que tout le long de cette rencontre, M. Blé, dont la fonction le contraint à l'impartialité, s'est érigé en avocat de notre employeur. Toutefois, nous n'avons voulu être un obstacle au bon déroulement de cette rencontre. Aussi, lui avons-nous opposé des arguments de droit. Au sortir de cette réunion, l'inspecteur a fait injonction à notre employeur d'améliorer l'hygiène et la sécurité de notre cadre de travail, de procéder sans délai à l'élection des délégués du personnel conformément aux lois en vigueur. Il a ensuite recommandé que des discussions en interne se poursuivent sur la question de la revalorisation des taux des heures de vacation et des heures supplémentaires dont la tendance, partout, est à la hausse. En ce qui concerne le statut des enseignants dits vacataires, après que nous lui ayons expliqué la réalité de la situation, l'inspecteur a promis venir au Collège Anador la semaine suivant cette rencontre pour mener une enquête sur leur situation réelle. Et, si l'enquête révélait que ces collègues sont des travailleurs à plein temps, ils seraient rétablis dans leurs droits. L'assistant juridique de notre employeur a été chargé de rédiger le P.V. de cette réunion. P.V. que notre employeur devait nous faire parvenir le mardi 13 avril 2010 pour lecture et approbation. Malgré cela, après cette rencontre, nous n'avons reçu le P.V. que deux semaines plus tard, c'est-à-dire le 23 avril 2010 à 8 H 31 mn. Et pendant tout ce temps aucune discussion en interne n'a eu lieu entre notre employeur et nous. Bien au contraire, il ne nous parlait plus et refusait même de répondre à nos salutations. N'ayant non plus aucune nouvelle de l'inspecteur du travail que nous avions tenté de joindre en vain au téléphone et à plusieurs reprises, le Secrétaire Général national du SYNEPPS-CI, en fonction dans le même établissement que nous, a tenté d'ouvrir une discussion en interne entre notre employeur et nous. Mais notre employeur a refusé de le rencontrer car selon lui, il ne peut discuter avec nous que devant l'inspecteur du travail. La procédure de conciliation étant ainsi, selon nous, rompue et compte tenue de l'urgence, nous nous sommes réunis le mardi 20 avril 2010 à 7h30 afin de nous concerter sur l'attitude à observer en pareille situation. Pendant que nous étions en réunion, la direction a fait évacuer les élèves de l'établissement pour faire croire à une grève. Sur ce point nous disons que nous n'avons pas fait de grève comme notre employeur le prétend. Car, si nous avions fait grève tel qu'il le dit, et comme le stipule la loi relative aux effets de la grève, notre employeur devrait faire une ponction sur notre salaire proportionnellement au temps pendant lequel nous n'avions pas travaillé. Ce qui n'a nullement été le cas car tous les professeurs ont perçu leur salaire du mois d'avril 2010 intégralement. De plus si nous avions commis par cet acte une faute lourde, notre employeur aurait dû prononcer immédiatement notre licenciement au lieu de nous garder en fonction. Ou, à défaut, prendre des mesures disciplinaires allant de l'avertissement à la mise à pied disciplinaire. Concernant la rétention des notes et des copies dont parle notre employeur dans ses chefs d'accusation contre nous, nous voulons relever que nous n'avons jamais retenu les notes des élèves encore moins leurs copies. Certes les copies de certaines évaluations n'ont pas été rendues à temps. Mais ceci n'a pas été le fait d'une décision concertée prise et notifiée par notre administration. A preuve, les épreuves écrites du BAC blanc qui se sont déroulés du 12 au 16 Avril 2010 ont été corrigées du samedi 17 au lundi 19 Avril 2010 et les résultats proclamés le vendredi 23 Avril 2010. En effet nous avons été débordés par des copies des devoirs de niveau trop rapprochés, des interrogations écrites et des contrôles continus dont nous avons parlé. Et le fait que les enseignants soient débordés par des copies qui ne sont pas rendues à temps n'est pas un fait nouveau dans le système éducatif ivoirien. Mais en ce qui nous concerne, ces copies ont été toutes rendues et tous les travaux du troisième trimestre et de fin d'année ont été entièrement exécutés selon le calendrier élaboré par l'administration (voir le calendrier des travaux élaboré le 28 avril 2010). Ce calendrier, compte tenu du délestage a été réaménagé afin de permettre à tous les enseignants de saisir leurs notes (voir le calendrier du 25 mai 2010). Après la saisie des notes, les travaux de fin d'année tels que les conseils de classe, la signature des bulletins de notes et le remplissage des livrets scolaires des élèves ont été entièrement effectués et à temps selon le programme élaboré par la direction des études (voir le programme réaménagé des travaux de fin du troisième trimestre, le programme des conseils de classe du jeudi 3 juin 2010, les consignes de remplissage des livrets scolaires et des bulletins du 4 juin 2010). Concernant la révolte des élèves dont parle notre employeur, elle a été suscitée par l'administration pour nous en faire porter la responsabilité qui serait une faute lourde selon elle. A preuve elle fait dire à l'élève TRAORE INZA : «En effet vers la fin du deuxième trimestre nous avons constaté que les professeurs ne remettent plus les copies corrigées des devoirs et ce de la sixième à la Terminale». Ceci est totalement erroné puisque le deuxième trimestre a pris fin le 5 mars 2010 conformément au découpage de l'année scolaire effectué par le ministère de l'éducation nationale (voir copie de ce découpage) et nous avons effectué en son temps tous les travaux qui ont conduit à la production des bulletins de notes du deuxième trimestre. Si nous avions refusé de rendre les notes des élèves vers la fin du deuxième trimestre comme notre administration le fait dire à cet élève, comment les bulletins du deuxième trimestre ont pu être établis ? Ceci est une cabale de la part de notre employeur et de son huissier commis à cette tâche. D'ailleurs, pour toute équité et pour l'équilibre des informations, cet huissier aurait pu aussi recueillir les propos des enseignants. Notre employeur nous reproche enfin de n'avoir pas répondu aux demandes d'explications qu'il nous a adressées les 5 et 10 mai 2010. Ce qui constitue à ses yeux un acte d'insubordination notoire. A ce sujet, nous voulons relever que nous n'avons jamais refusé de répondre à une demande d'explication qu'il nous a donnée. Etant dans une procédure de conciliation nous ne comprenions pas les multiples demandes d'explication qu'il nous donnait. Nous avons donc saisi l'inspecteur du travail à ce sujet et il nous a demandé de les lui faire parvenir afin qu'il donne une réponse globale à notre employeur. Ces demandes d'explication lui ont été ainsi remises. À la rencontre que nous avons eu le 29 avril 2010 à l'inspection du travail, l'inspecteur a signifié à notre employeur que les demandes d'explication (du jeudi 22 avril 2010) qui ont été données aux délégués syndicaux dont deux membres du Bureau Exécutif National (BEN) sont contraires aux dispositions de la loi qui leur accorde quinze heures (15 h) par mois pour exercer les activités liées à leur statut (délégués syndicaux). Nous voulons rappeler que, avant de nous rendre à l'inspection du travail, nous avons informé M.DIBY Konan Augustin, directeur adjoint des études ; M.DA Dramane, directeur des études, étant permissionnaire. À cette rencontre du 29 avril 2010 à l'inspection du travail aucun accord n'a été obtenu sur nos revendications principales (augmentation de salaire et le statut des enseignants dits vacataires). Par ailleurs, l'inspecteur a souhaité un bref délai de réflexion afin de se prononcer sur la question du paiement des heures de surveillance des devoirs de niveau et des examens blancs au regard des documents fournis par les enseignants et l'employeur. Il nous a réitéré qu'il diligentera une enquête à Anador afin d'établir la vérité sur le statut des enseignants dits vacataires. L'inspecteur nous a informés plus tard que notre employeur a accepté d'harmoniser les taux des heures supplémentaires et des heures de vacation à mille huit cent cinquante francs (1850 F/ h). À l'initiative du Directeur des études, M.DA Dramane, une rencontre a eu lieu entre notre employeur et nous à son domicile le mercredi 19 mai 2010 à 14h30. Etaient présents à cette rencontre - MM. GUENNEGUEZ Joël, notre employeur ; - DA Dramane, directeur des études ; - BABA Peudoko Georges, secrétaire général de la section SYNEPPS-CI des collèges Anador, représentant les enseignants. La rencontre s'est déroulée dans une ambiance conviviale. Les points essentiels de nos revendications ont été passés en revue. Concernant les heures de vacation et les heures supplémentaires notre employeur a confirmé l'harmonisation de leur taux à mille huit cent cinquante francs l'heure (1850 F/H) avec effet immédiat. En ce qui concerne les enseignants dits vacataires il a reconnu que ceux-ci vivent dans une précarité totale. Il a donc accepté à notre demande de réexaminer leur statut dès la rentrée prochaine en leur faisant signer un contrat de travail à durée déterminée d'un an renouvelable une fois après quoi, ils passeront directement CDI (Contrat à Durée Indéterminé). A la suite de cette rencontre nous lui avons adressé un courrier de remerciement pour le pas qu'il venait d'effectuer et qui constituait à nos yeux une avancée notable dans la résolution du problème de nos camarades dits vacataires (courrier No 008 / SG / SYNEPPS-CI / CA).Toutefois, nous avons souhaité poursuivre la négociation avec lui afin de discuter des clauses de ce contrat. Mais contre toute attente, lorsque nous avons achevé tous les travaux de fin d'année, notre employeur a décidé de se séparer de tout le corps professoral et il nous l'a notifié par exploit d'huissier à une réunion d'information qu'il a convoquée le mardi 15 juin 2010 à 12H15 au Collège Anador Abobo. C'est donc, pour ne pas respecter ses engagements en vers nous les enseignants qu'il nous licencie en évoquant des prétendues fautes lourdes que nous aurions commises. D'ailleurs, la procédure de conciliation initiée par l'inspecteur du travail est toujours en cours (le procès-verbal de la deuxième rencontre du 29 avril 2010 n'a toujours pas été signé par les parties en conflit, les différentes conclusions de l'enquête de l'inspecteur du travail ne nous sont pas encore parvenues, aucun rapport de non conciliation ne nous a été notifié jusqu'à ce jour). Voici présenté, sauf omission involontaire de notre part, l'exposé des faits tels qu'ils se sont déroulés et qui ont conduit notre employeur à la décision de notre licenciement collectif. Espérant que cet exposé pourra vous édifier dans la prise de vos décisions nous restons à votre disposition pour toutes informations complémentaires. M. DETI Ernest Chargé de Communication du Collectif 00 225 08.01.07.65 / 00 225 01.75.06.06 erdifr@yahoo.fr
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